Dernière partie du making of de FIFI NO RESHIPI ! Après avoir parlé de la réalisation des strips et de mon planning, voyons le reste des questions en vrac, pas en dessin cette fois car trop de choses à dire. J’espère que ça vous intéressera quand même !
Une suite pour FIFI ?
Vous avez été nombreux à me demander s’il y aurait une suite à FIFI après 52 strips, soit un an pile à suivre ses aventures à saison d’un strip par semaine. Malheureusement, la réponse est et sera toujours non. En effet, ayant réalisé cette histoire sous contrat et ayant cédé mes droits, je n’ai pas le droit de continuer FIFI sans la permission du site Comico. Enfin plus exactement, je n’ai pas le droit d’en disposer à des fins commerciales (donc je n’ai pas le droit de vendre une version imprimée, vous étiez aussi nombreux à me la demander !). J’imagine que je pourrais éventuellement dessiner la suite pour le fun mais comme je l’expliquais dans la partie 2, FIFI c’était du temps plein 7 jours sur 7 donc je ne me vois pas continuer à ce rythme sans aucune rémunération. Je ne suis pas obligée de bosser dessus tous les jours vous me direz mais l’histoire avancerait donc très lentement et je pense que cela me démotiverait à un moment donné.
Autant je suis plutôt fière du travail accompli dans son ensemble, du challenge que c’était… autant je n’aime pas particulièrement l’histoire de FIFI. Je ne le cache pas, le scénario ce n’est pas mon fort, j’ai toujours préféré travailler en duo avec un vrai scénariste en BD (comme Nathalie Cookbook ou Disquettes). Je ne dis pas que l’histoire de FIFI est mauvaise mais cela me prenait un temps fou de trouver des idées, et aussi de trouver des recettes en parallèle (et de les tester, et de faire des recherches…). Sérieusement, le scénario c’était 50% du boulot et dans l’idéal, je préfère me concentrer à 100% sur le dessin. Je n’aurais pas dû partir sur un concept histoire/recettes n’est-ce pas ? Le truc c’est que j’ai été prise pour ça ! Les gens de chez Comico m’ont connue avec mon travail sur Nathalie Cookbook et ils ont adoré voir des recettes illustrées. Et je sortais du Cookbook, j’étais bien rodée, ça ne me dérangeait de refaire des recettes. Mais comme j’ai du mal à inventer des histoires, je suis partie sur ce que je sais faire de mieux : raconter le quotidien. D’où la création du perso de Fifi (diminutif de « Sophie » bien sûr), une Française végétarienne au Japon avec son chat… le reste par contre est fictif même so certaines expériences sont sans doute inspirées de ma vie.
Pourquoi c’est fini
J’étais la seule étrangère parmi la centaine d’auteurs officiels. C’était très flatteur mais aussi très intimidant. C’était compliqué, parce qu’il fallait trouver un bon équilibre entre proposer un style occidental mais pas trop, exposer son point de vue mais pas trop… c’est pourquoi rien n’est jamais blanc ou noir dans FIFI, je me mouille pas trop. La cible était d’ailleurs les femmes entre 12 et 25 ans.
D’ailleurs, j’ai reçu quelques messages (de Français) me reprochant de véhiculer des clichés sexistes… Si vous pensez ça c’est que vous ne me connaissez pas ! Très très loin de moi l’idée de dire que les femmes sont un peu niaises ou ne peuvent pas être indépendantes, je me suis juste adaptée à ma cible. Car en un an, je n’ai reçu aucun commentaire de ce genre de la part du public japonais, au contraire, les Japonaises ont été très réceptives. J’ai prévenu dès le début que FIFI est un shojo (histoires souvent d’amour pour filles ado), j’ai donc repris les codes classiques (sans y arriver complètement car ce n’est pas ma spécialité). Si ça ne vous plaît pas, c’est que vous n’aimez ou n’avez pas l’habitude d’en lire.
Mais je m’écarte du sujet ^^ FIFI s’est arrêté car étant la seule étrangère, j’étais une espèce de « test » pour voir si Comico pouvait s’étendre à l’international. Leur but sur le long terme était de recruter d’autres étrangers, en Asie, en Europe… FIFI avait une petite communauté de fidèles mais déroutait pas mal (j’en reparle plus tard), j’avais donc moins de succès que les autres auteurs (et ce depuis le départ). J’en étais consciente mais on me gardait, l’équipe était vraiment sympathique avec moi et encore une fois, j’étais un « test ». Sauf qu’au bout d’un an, toute l’équipe a été changée (le site aussi, ils l’ont ouvert au public entre autre) et on m’a dit que FIFI ne marchait pas assez bien, qu’il fallait que je trouve une fin tout de suite.
Ce que j’avais prévu pour FIFI
Bien sûr, très déçue et triste que tout cela s’arrête, mais en plus, il fallait que je change toute l’histoire en cours pour la terminer de façon normale. Ce qui est difficile quand vous savez que tous les strips sont fait un mois à l’avance (comme expliqué dans la partie 2). C’est pourquoi le départ de Fifi arrive assez brusquement. Je venais à peine de lancer plein d’intrigues dans la saison 4 qu’il fallait tout arrêter ! Voici ce qui était prévu…
Les contrats que l’on signe durent 3 ans (renouvelable), j’étais donc partie sur une histoire sur 3 ans (pour commencer). Avec un arc différent par an, chacun divisé en 4 saisons.
– Première année : Fifi s’installe à Tokyo avec son chat Mimi. Elle rencontre Naoko (Nao) qui deviendra sa meilleure amie, sa guide, sa confidente. Nao lui explique les coutumes japonaises, lui fait goûter des spécialités, lui présente ses amis Minako (Mina) et Kazuya (Kazu). Kazu trouve un travail pour Fifi : être serveuse dans un conversation cafe, le « Pera Pera ». Elle rencontre le manager Sam, un bel australien blond super gentil avec elle. Dans l’équipe : Ricco l’italien playboy, Alisa la belle Russe froide qui se croit au dessus de tout le monde, et Will le cuistot américain super cool. Fifi aime de plus en plus Sam mais n’ose pas lui dire et ne sait pas si c’est réciproque, surtout que Rina, une petite peste, arrête pas de lui tourner autour ! Pendant ce temps, Nao sort (à cause d’un malentendu) avec Benjamin (Ben), un de ses admirateurs, un otaku Canadien qui aime la pâtisserie. Mais elle n’ose pas rompre avec lui, tout ce qu’elle souhaite c’est voyager comme Fifi. A la fin de cet arc, Mai débarque, l’ancienne petite amie de Sam, qui souhaite le reconquérir.
– Deuxième année : Sam redonne une chance à Mai. Fifi, trop triste, quitte le Pera Pera et devient commis dans un petit restaurant japonais (sur la recommandation de Will). Elle est en compétition avec un autre commis, Thomas (Tom), un Anglais un peu prétentieux. Toute cette année portera sur la relation amour/haine de ces deux personnages (un peu comme Sakura/Shaolan). Le plus doué remportera le poste de chef dans le restaurant, Fifi devra donc se surpasser. Pendant ce temps, Nao sort à la fois avec Ben et Ricco (qui lui courrait après depuis un moment) mais n’aime ni l’un ni l’autre, elle s’ennuie, se pose des questions sur sa vie. Elle envie Fifi qui se bat pour sa passion et se met à rêver d’être hôtesse de l’air pour pouvoir voyager. Elle entreprend d’apprendre l’anglais et prend des cours avec… Tom ! Sans savoir qu’il travaille avec Fifi. Elle le trouve sympa et plein de qualités, ce qui va créer plein de quiproquos dans le trio Fifi-Nao-Tom. D’ailleurs, Tom a aussi un chat, une jolie minette dont Mimi sera amoureux. A la fin de cet arc : Fifi remporte la compétition contre Tom mais Nao échoue à son concours pour être hôtesse de l’air et déprime. Fifi laisse sa place à Tom pour partir avec Nao faire un grand voyage dans le Kansai pour lui changer les idées.
– Troisième année : Fifi et Nao font le tour du Kansai en goûtant toutes les spécialités locales et visitant les lieux. Nao retrouve le goût à la vie et décide de reprendre sa vie en main. Elles rentrent donc à Tokyo. Nao quitte pour de bon ses deux prétendants et transforme sa grande maison en guesthouse. Elle demande à Fifi et Tom de vivre avec elle, pour continuer à apprendre l’anglais et même le français. Elle accueille une quatrième personne, une chinoise qui s’appelle Ling Ling, une étudiante en commerce pour suivre la voie de ses parents alors qu’elle veut faire de la photo. Elle est très timide mais apprend à s’ouvrir aux autres grâce au groupe, notamment Tom qui l’encourage à suivre sa passion. Pendant ce temps, Fifi fait des petits boulots mais envisage de rentrer en France pour ouvrir un restaurant japonais. Elle revoit Sam par hasard qui n’est plus avec Mai et celui-ci essaie de la reconquérir mais Fifi est déterminée, elle veut poursuivre ses rêves. A la fin de cet arc : Sam continue de gérer le Pera Pera avec Will, Alisa a ouvert son propre bar et sort enfin avec Ricco (même si elle assume pas trop, par contre lui est devenu fidèle). Ben et Rina se sont mutuellement consolés. Mai est retournée en Thailande. Tom commence une relation avec Ling Ling (qui finalement se lance dans la photo). Mina et Kazu se marient. Et Fifi rentre en France avec Nao.
Voila ! FIFI NO RESHIPI se terminerait donc sur une ouverture : les aventures de Nao en France (NAO NO RESHIPI^^), qui serait repartie pour trois ans mais je n’ai pas creusé plus que ça car c’était trop loin. Alors, que pensez-vous de tout ça ? Est-ce que ça vous aurait plu ? Au moins maintenant vous savez, ça ne restera pas dans un coin de ma tête ^^ Malheureusement, les Japonais ne sauront jamais ce qu’ils ratent même si j’avais reçu un bon accueil.
Ce que les Japonais pensent de FIFI
FIFI a été dans l’ensemble bien reçu. La plupart des gens découvraient la BD car ils ont été intrigués par le style graphique (très différent de ce qui se fait sur le site, pas assez manga), ou bien ils étaient curieux de voir l’oeuvre d’une étrangère. Les Japonais avaient l’air étonnés qu’une étrangère dessine aussi / fasse partie des auteurs / écrive aussi bien japonais (bon pour le coup, j’avais un traducteur !). Ils recherchaient particulièrement le choc des cultures, un autre point de vue du Japon, et en apprendre plus sur la France. Certains aimaient la cuisine, et reproduisaient mes recettes, ce qui me mettait pas mal la pression ! Mais je n’ai eu que des retours positifs à ce niveau-là (ouf !). ENORMEMENT de messages se résumaient à « oishi sou ! » (« ça a l’air bon ! »), le reste c’était soit des partages d’expériences (« je connais ce plat parce que j’en ai déjà mangé à tel endroit ») soit des commentaires sur tel ou tel personnage (« pauvre Fifi », « Mimi est trop mignon ! », « je comprends Nao »).
J’ai reçu environ 230 commentaires pour le premier strip, une moyenne de 100 commentaires pour les suivants et 660 pour le dernier. Je ne comprends pas encore assez bien le japonais donc c’est assez frustrant de voir tous ces messages sans les comprendre entièrement mais j’arrive à saisir les idées et dans l’ensemble, c’est assez encourageant :) La phrase qui revient le plus est « otsukaresama deshita », qui est l’expression qu’on utilise en fin de journée par exemple, après une bonne journée de travail, en signe d’encouragement. Beaucoup sont étonnés que FIFI s’arrête et ne comprennent pas pourquoi, certains attendent une suite (Nao en France ^^).
Les Japonais qui m’ont suivie avaient aussi l’esprit ouvert. En plus de la curiosité, ils aimaient justement cette différence de culture. Et de voir des plats d’autres pays leur donnait envie d’y goûter, de cuisiner ou même de voyager. Malheureusement, certains ont dû me rejeter exactement pour cette raison. C’était rare mais certains se demandaient qu’est-ce qu’une étrangère faisait là, voire même sous-entendaient qu’une étrangère ne pouvait pas prétendre dessiner des mangas. Encore une fois, c’était très très are, mais je me dis qu’il devait y avoir un public silencieux qui pensait effectivement ça et qui du coup, ne se donnait même pas la peine de jeter un oeil. C’était ma volonté de pas faire du vrai manga de toute façon, ma différence je la vois plutôt comme une force. Mais mon style graphique aurait été plus manga, j’aurais sans aucun doute eu plus de succès. C’est comme ça !
Ça reste une des meilleures expériences de ma vie ! C’était dur mais je ne regrette rien, j’aurais fait les 3 ans sans hésiter (mais plus, je ne sais pas, le rythme était quand même super intense). Maintenant j’y repense avec une bonne nostalgie. De temps en temps je repasse sur le site pour voir ce qu’il devient, quelles sont les oeuvres qui marchent. J’ai d’ailleurs vu que d’autres sites concurrents existaient. En France, nous avons l’équivalent qui s’appelle Delitoon où était publié le très connu Lastman. Je pense que ça peut être chouette si on arrive à se faire connaître sur ce genre de plateforme, mais il faut vraiment sortir du lot et se faire repérer vite… sinon c’est trop de travail pour rien, c’est pas rentable :/ D’ailleurs, à part Lastman, je ne sais pas ce qu’il y a de bien, je vous avoue je ne suis pas trop au courant.
Voila voila…
J’espère que j’ai répondu à toutes vos questions ! Si vous en avez d’autres, n’hésitez pas j’y répondrai en commentaires. Le chapitre FIFI est officiellement bouclé, je ne reviendrai plus dessus ! MERCI à tous de m’avoir suivie :)
Vous avez peut-être remarqué qu’il y a moins d’activité sur mes réseaux sociaux ou sur le blog ces temps-ci. C’est parce que depuis le début de l’année, je travaille en entreprise… donc changement complet de rythme. J’ai très peu de temps libre et je n’ai pas forcément envie de le consacrer au dessin. Mais ce travail est temporaire donc je reviendrai :) En attendant je continue les streams et les commissions. A très bientot !
Merci pour toutes ces explications très intéressantes ! :)
Tout pareil que Tetoy ! C’est pas trop mon genre de BD en général mais je m’étais pris à l’intrigue. :D
Un grand merci à toi d’avoir partagé tous tes strips ici et d’avoir pris le temps de faire ces making of. Otsukare, c’est vraiment mérité !
Ah bah je suis bien contente d’avoir pu lire la suite. J’étais resté sur ma faim.
J’ai beaucoup apprécié tous ces strips. Je suis rentrée dedans sans m’en rendre compte et je me languissais les prochains. Alors merci =)
« D’ailleurs, j’ai reçu quelques messages (de Français) me reprochant de véhiculer des clichés sexistes… Si vous pensez ça c’est que vous ne me connaissez pas ! Très très loin de moi l’idée de dire que les femmes sont un peu niaises ou ne peuvent pas être indépendantes, je me suis juste adaptée à ma cible. »
Ne pas être sexiste n’a jamais empêché quiconque de véhiculer des clichés sexistes. Et shojo ne veut pas forcément dire niais et stéréotypé, il y a d’excellents shojo qui sortent de cela. Prétendre s’adapter à une cible, c’est très facile comme excuse. On peut aussi éduquer sa cible en sortant des clichés.
Le sexisme au Japon, c’est une histoire bien ancrée, donc ne pas avoir reçu de critiques négatives à ce sujet n’est pas particulièrement significatif (ni encourageant).
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